En mai 1839, Honoré de Balzac publie Traité des excitants modernes, un court texte dans lequel il dresse le portrait de cinq excitants – le café, le thé, le sucre, l’alcool et le tabac – dont la consommation pourrait influencer l’évolution et le futur de peuples entiers. À sa manière, il présente de façon très « médicalisée » les effets de ces substances et mesure les éventuelles conséquences de leur consommation, néfastes sur la santé des individus.
En contrepoint de ce texte, le chef Benoît Bordier s’est inspiré de ces « excitants modernes »,
pour livrer des recettes inédites, surprenantes et ludiques.
Voici le résultat d’une expérience faite à Londres, dont la vérité m’a été garantie par deux personnes dignes de foi, un savant et un homme politique, et qui domine les questions que nous allons traiter.
Le gouvernement anglais a permis de disposer de la vie de trois condamnés à mort, auxquels on a donné l’option ou d’être pendus suivant la formule usitée dans ce pays, ou de vivre exclusivement l’un de thé, l’autre de café, l’autre de chocolat, sans y joindre aucun autre aliment de quelque nature que ce fût, ni de boire d’autres liquides. Les drôles ont accepté.
Peut-être tout condamné en eût-il fait autant. Comme chaque aliment offrait plus ou moins de chances, ils ont tiré le choix au sort.
L’homme qui a vécu de chocolat est mort après huit mois. L’homme qui a vécu de café a duré deux ans.
L’homme qui a vécu de thé n’a succombé qu’après trois ans.
Je soupçonne la Compagnie des Indes d’avoir sollicité l’expérience dans les intérêts de son commerce.
L’homme au chocolat est mort dans un effroyable état de pourriture, dévoré par les vers. Ses membres sont tombés un à un, comme ceux de la monarchie espagnole.
L’homme au café est mort brûlé, comme si le feu de Gomorrhe l’eût calciné. On aurait pu en faire de la chaux. On l’a proposé, mais l’expérience a paru contraire à l’immortalité de l’âme.
L’homme au thé est devenu maigre et quasi diaphane, il est mort de consomption, à l’état de lanterne : on voyait clair à travers son corps ; un philanthrope a pu lire le Times, une lumière ayant été placée derrière le corps. La décence anglaise n’a pas permis un essai plus original. Je ne puis m’empêcher de faire observer combien il est philanthropique d’utiliser le condamné à mort au lieu de le guillotiner brutalement. On emploie déjà l’adipocire des amphithéâtres à faire de la bougie, nous ne devons pas nous arrêter en si beau chemin.
Que les condamnés soient donc livrés aux savants au lieu d’être livrés au bourreau.
Le péché mignon
Un dessert 100% sucre avec du caramel à tous les étages. Du caramel mou au chocolat, de la sauce caramel au beurre demi-sel, une tuile Carambar à la chantilly, une glace caramel et du praligrain.
C’est une variation autour du sucre. C’est d’ailleurs davantage une assiette de mignardises qu’un véritable dessert. Ce plat est, en effet, beaucoup trop sucré et doit être accompagné, par exemple, d’un café. C’est une assiette pour les drogués de sucre. Le piment d’espelette apporte un contrepoint à cet excès de sucre.
Le sucre naturel, de la betterave ou des fruits, par exemple, est intéressant à utiliser en cuisine avec la viande ou le poisson. En revanche, le sucre raffiné, lui, l’est moins.
Le kawa
C’est une pana cotta café et fleur d’oranger servie avec une émulsion café/rhum, des pruneaux gonflés au jus de fruits de la passion et pour apporter du croustillant, quelques éclats de streusel et de tuiles au café et grué de cacao.
C’est un dessert doux, très peu sucré, avec beaucoup de textures différentes. C’est un dessert très oriental d’où son nom : “kawa”.
J’utilise le café principalement en dessert : en glace, en émulsion, en jus. Je l’utilise assez rarement avec le salé car l’association de l’amertume du café et du sel n’est pas évidente du tout.
De manière générale, je réalise beaucoup de desserts légers et peu sucrés. Ainsi, le dessert n’alourdit pas la fin du repas et les clients en profitent pleinement.
Tea time
Pour cette recette, j’ai cherché à me rapprocher d’un dessert “tout thé”. Il s’agit d’un sorbet et d’une émulsion au thé accompagnés d’une crème au citron et de quelques grains de riz souflés.
J’utilise souvent le thé en dessert et quelques fois en salé avec, par exemple, du tarama (thé agrume bergamotte).
J’ai une passion pour les rituels autour du thé. Le café, c’est rapide. Le thé oblige, lui, à davantage prendre son temps car il faut attendre qu’il infuse, c’est reposant et excitant à la fois.
Ce dessert est léger et peu sucré: au fond du verre, je verse un peu de crème au citron. Ce dernier est l’accompagnement, naturel du thé. Il lui donne du relief. J’ajoute quelques grains riz soufflé pour le croustillant, une boule de sorbet au thé. Ce dernier est réalisé avec un peu de lait et de sucre, ce qui adoucit le thé et retire l’amertume du thé tout en conservant son goût. Pour terminer, j’ajoute un peu d’émulsion au thé.