À l’occasion du 222e anniversaire d’Alexandre Dumas, nous vous proposons, en exclusivité, une interview (imaginaire) de l’auteur des Trois Mousquetaires dans laquelle il évoque son désir de rédiger son Grand dictionnaire de cuisine.
L’interview imaginaire d’Alexandre Dumas est réalisée à partir de sa causerie culinaire publiée en 1861 dans un recueil intitulé Bric-à-brac.
Monsieur Dumas, vous êtes connu pour vos romans d’aventures, mais vous annoncez maintenant vouloir écrire un dictionnaire de cuisine. D’où vous vient cette idée surprenante ?
Alexandre Dumas : Eh bien, mon cher, je vois avec plaisir que ma réputation culinaire se répand et promet d’effacer bientôt ma réputation littéraire. Dieu soit loué ! Je pourrai donc me vouer à un état honorable et léguer à mes enfants, au lieu de livres dont ils n’hériteraient que pour quinze ou vingt ans, des casseroles ou des marmites dont ils hériteront pour l’éternité.
Mais comment un romancier en vient-il à s’intéresser à la cuisine au point d’en faire un dictionnaire ?
Dumas : Mon goût pour la cuisine, comme celui de la poésie, me vient du ciel. L’un était destiné à me ruiner – le goût de la poésie, bien entendu – l’autre à m’enrichir ; car je ne renonce pas à être riche un jour. J’ai étudié sous tous les maîtres, et particulièrement sous ce grand maître que l’on appelle la nécessité.
Avez-vous des influences particulières dans le domaine culinaire ?
Dumas : J’ai connu de grands praticiens : Grimod de la Reynière, Brillat-Savarin, qui survit non pas comme magistrat, mais comme inventeur des omelettes aux laitances de carpe, et Courchamp, qui a laissé le meilleur Dictionnaire de cuisine qui existe.
Votre passion pour la cuisine semble liée à vos voyages. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Dumas : En effet, j’ai beaucoup voyagé. Partout, dans mes voyages, je me suis fait présenter aux cuisiniers habiles et aux gourmets reconnus. Si j’ai appris un peu de chimie, ce n’était point pour faire des recettes de poisons, mais pour préparer scientifiquement certaines recettes nécessaires à la confection de certains plats.
Vous avez également été chasseur. Cela a-t-il influencé votre approche de la cuisine ?
Dumas : Absolument ! Dès mon enfance, j’ai été chasseur et libre échangiste. De douze à quinze ans, je fus braconnier ; à partir de l’âge de quinze ans, je devins chasseur. Je vivais en troquant mon gibier contre des ingrédients, et je cuisinais moi-même dans les maisons de paysans. C’est pendant cette période que j’ai pu apprécier la supériorité du poulet rôti à la ficelle sur le poulet rôti à la broche.
Avez-vous une anecdote culinaire particulière à partager avec nos lecteurs ?
Dumas : Oh, j’en ai plusieurs ! Mais laissez-moi vous raconter comment j’ai découvert ma façon unique de préparer le lapin cuit dans sa peau. Tout a commencé lors d’un voyage sur la côte d’Afrique, où j’ai observé des Arabes préparer un agneau d’une manière fascinante…
Pour finir, que diriez-vous à ceux qui doutent de vos compétences culinaires ?
Dumas : Je leur dirais simplement ceci : je reçois déjà des lettres de toutes les parties de la France, des lettres où l’on me consulte, qui sur la polenta, qui sur le caviar, qui sur les nids d’hirondelle. Mon dictionnaire de cuisine pratique permettra à l’individu le plus ignorant en gastronomie de faire, tout aussi bien que mon honorable ami Vuillemot, une espagnole ou une mirepoix. La cuisine, comme l’écriture, est un art, et j’entends bien y exceller !